Myriam Rubis, Conteuse
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Cortijo mi corazon (extrait)

 

C’est chaque fois pareil. D’abord, il y a cette peur, parce que c’est pas sérieux, c’est pas dans l’agenda et il faut prendre l’avion, et puis on doit se les geler en novembre, non ? Mais j’y vais, tant pis. Je finis toujours par y aller dans ma sierra encore un peu nevada. Et je meurs pas dans l’avion. Et je fais le stop rituel sur la côte qui tourisme à 27°, en me re-demandant, chaque fois, pourquoi je vais me les geler juste à une heure du chaud. Mais je traîne pas trop pour arriver tôt, parce que de nuit, je vois pas les araignées, pas le bois pour faire le feu, est-ce que j’ai la frontale ? Je pars à la bourre, je roule entre le bleu et l’ocre de la côte malagueña. Je me dis : c’est sec quand même, et puis ces constructions, et la mer prostituée, oui d’accord elle est belle, mais je connais ses dessous, ses maladies, ses morts... oui mais son bleu lamé d'argent, son col d'hermine, mais à gauche la montagne gitane dans ses jupons sales, ses jupons de pauvre qui a pas les moyens de se payer du vert. Mais mes souvenirs entre les plis des vagues, mes escalades d’autrefois accrochée aux touffes jaunes. J’y peux rien ; contre ce bleu, cet ocre, ce soleil qui descend et fait son show d’automne, j’y peux rien, et plus je roule, plus je monte vers les Alpujarras, moins je peux résister. A ce cuivre, ce rose, cet or ensanglanté qui rhabille les montagnes, à ces peupliers jaunes dégoulinant de miel, à cette lumière qui coule, caresse, explose, cette ogresse de lumière qui lèche son enfant rouge, lèche mes peurs, et peu à peu, élève un palais d’ambre et de grenat liquide et me dit : c’est chez toi, et je sais que c’est vrai, que je le veuille ou non, je suis de cette lumière comme on est d’un pays, baptisée par elle dans l’enfance. Marquée au cœur, contre mon gré.

 

Myriam Rubis - Cortijo mi corazon

 


C'est la fesse finale !

L'actualité le confirme : le centre du monde n'est pas la gare de Perpignan mais le cul des femmes. C’est pas nouveau, vous me direz : depuis des millénaires, des religions, des systèmes, des empires se bâtissent et s'écroulent sur lui.

 

C'est lourd.

 

Glorieux mais lourd de sentir autour de son séant virer tant de points de vue, de loupes, de mains, de doigts. Car tout le monde s’y penche, sur ce lieu où mon dos perd son nom avec tellement de grâce, et chacun, du premier autodidacte venu au plus éminent spécialiste, y va de sa certitude : pour les uns, il faudrait l’enchâsser comme une sainte relique à l’abri de la poussière ; pour d'autres, le sortir à tous vents et y piquer des fleurs, des crucifix, des lunes ; le poser sur un guéridon ou le fourrer dans un cache-pot ; le sculpter sur les places, le dorer à la feuille, ou alors au contraire le mettre au pilori pour désigner l'ennemie....

 

Bref, dans un cas comme dans l’autre, c’est de plus en plus clair, un gigantesque cul éclipse le soleil et remplit l’horizon. Est-ce le crépuscule, est-ce un nouveau matin ? On ne sait pas, on ne sait plus, on tremble, on s’interroge, craignant l’apocalypse, espérant un regain, déroutés et hagards sous cette lune immense. L'imberbe se détourne, le barbu se prosterne, le chat médite... Lorsque soudain, sulfureux et tonnant, un souffle de trompette impose le silence. Qu’est-ce donc et d’où vient-ce ? De Naples ou Jéricho ? Que nenni ! C’est du cul qu’elle émane ! Du cul qui n’en peut plus, du cul qui se révolte, s’agite, se libère et pète ainsi au nez des peuples, des nations, des siècles qui l’emmerdent depuis la nuit des temps !

 

 

Myriam Rubis

 

C'est la faute à Voltaire

La vie d’Emma, c’est un camaïeu de gris, nuancé comme un toit en zinc sous la pluie d’automne : gris bleu, gris argent, gris rouille… pas vilain, mais gris.

 

Pourtant, elle fait partie des rares usagers de la ligne 9 à sourire béatement, soir et matin, le front collé à la vitre. Parce que son brouillard est traversé d’un rayon de lumière, une fine colonne qui la tient debout. Parce que deux fois par jour, Emma la grise rencontre le plus bel homme du monde.

 

Ça fait quatre ans qu’un coup de foudre a explosé les couloirs de sa vie. Mais pas à première vue. A première ouïe. Dès qu’elle a entendu sa voix, elle a su qu’avant, elle était sourde. Avant, rien ne vibrait.

 

Guitare, cuivres, graviers, il y a tout ça dans sa voix. Et bien plus. C’est une voix de nuit d’été, de vague brisée, de bras nus. Une voix de rires mêlés de bruits d’assiette et d’insectes sous la lampe.

 

L’entendre, c’était faire tous les voyages.

 

Alors deux fois par jour, le front appuyé contre la vitre, les yeux mi-clos, elle se laisse transporter.

 

Par la voix enregistrée de la ligne 9 qui égrène les stations : « République, Oberkampf, Saint-Ambroise… » et puis sa préférée : « Voltaire », à cause du vol, de l’air et de la terre. C’est là qu’elle descend chaque matin, et chaque matin, elle marque une pause sur le quai, hésite entre les deux sorties, et invariablement opte pour la moins logique, parce que la vue est plus jolie et le chemin plus long.

 

Ce jour-là, un jour semblable aux autres, à la fois gris et gai, elle descend sur le quai, hésite, choisit, arrive devant l’escalier, lève un pied, quand derrière elle : « Mademoiselle, votre écharpe ! »

 

1-2-3 soleil.

 

Son corps se fige, ses tympans fibrillent.

 

C’est la voix de la ligne 9.

 

Pendant une seconde, tous les possibles, tous les karmas défilent dans sa tête.

 

Pendant une seconde, elle fuit, retrouve la lumière, travaille, rêve, se marie peut-être, vieillit et meurt.

 

Pendant une seconde, elle se retourne, il est beau, elle ne lui plaît pas, les couloirs se reforment, elle survit, se marie peut-être, vieillit et meurt.

 

Pendant une seconde, elle hésite, vieillit et meurt sur le quai.

 

Elle fait un pas en avant.

 

Derrière elle, un bruit de chute, puis un « merde ! » vibrant de voix de ligne 9. Elle se retourne. « Je me suis pris les pieds dans votre écharpe ! »

 

Les voix ne mentent pas. Pas sur l’essentiel.

 

Elle l’a aidé à se relever, il s’est appuyé sur elle. Elle n’avait pas prévu qu’il aurait besoin d’elle.

 

Ils ont échangé des banalités sur la longueur des écharpes et les baumes pour foulure, hésité entre la sortie 1 et la sortie 2, opté pour la moins logique. Au café du coin, il lui a raconté le casting des voix RATP, elle s’est demandé dans combien de temps elle lui raconterait tout.

 

Trois mois ? Dix ans ?

 

Myriam Rubis

 

LES DROITS DE LA FESSE (Dr Dolores Alculo, fessologue sponsorisée par une grande marque)

Avant d’aborder cette branche du droit trop souvent négligée, il convient de citer les faits, rien que les fesses, et de se poser cette question fondamentale : Qu’est-ce que « la » fesse ?

 

Tout d’abord, une évidence. Elle est partout, on ne voit qu’elle et tous ses avatars : Vraie fesse, fausse fesse, vraie fausse fesse, fesse honteuse ou en gloire, murale ou sur papier glacé, fesse virtuelle, fesse-mathieu, fesse-book. Elle nous suit, nous soutient, nous retient, ou alors nous précède, surtout en jean moulant dans l’escalier, nous guide, nous aguiche, nous étoile, nous étiole, bref nous hante.

 

Ensuite, une particularité que je n’hésiterai pas à qualifier de morpho-spirituelle. Car on le sait, ce qui différencie l’homme de la bête, c’est la fesse. En effet, les animaux ne disposent, dans le meilleur des cas, que de postérieurs assujettis à leurs fonctions purement utilitaires : éliminer, se reproduire, s’asseoir. Rien à voir avec la fesse humaine qui, tout au contraire : élimine, se reproduit, s’assoit.  La différence est fondamentale et saute aux yeux comme un pénis esseulé dans la main de son propriétaire. Je m’explique : Contrairement à la bête qui élimine des croquettes, de l’herbe ou des souris crues, l’homme défèque des cèpes à la crème, des sushis et des profiteroles.

 

Deuxio, l’homme se reproduit, oui, mais pas seulement pour le plaisir. Pour le sexe aussi. Et c’est souvent très compliqué chez l’homme et carrément virtuose chez la femme qui est plus douée. En effet, on n’a jamais vu des caniches faire le tripode à rebours,  la conversion avale, la tondeuse pékinoise ou la brouette accro-branche. C’est bien la preuve.

 

Enfin, l’homme s’assoit mais ça n’a rien à voir, car il évite soigneusement l’herbe humide, le fil électrique et les nénuphars.  Tout au contraire, il pose son bien-séant sur un élément généralement surélevé appelé chaise ou canapé, et face à : Un ordinateur, un plat de frites, sa femme, un match de foot sur TF1 avec un enculé d’arbitre et les pédés de l’OM. Dans ce dernier cas, si son équipe marque un but, il laisse éclater sa joie en tressautant sur son siège au risque de se blesser. Dans l’avant-dernier, si sa femme lui annonce son départ, il laisse éclater sa joie/douleur [1] en tressautant des fesses au risque de se blesser. Dans l’avant-avant-dernier cas, si les frites lui brûlent le palais, il laisse éclater sa douleur etc au risque d’etc. Enfin, dans le premier cas, si l’ordi bugue, il laisse éclater sa fureur etc.

 

CQFD : La fesse de l’homme est, sans l’ombre d’un poil pubien, le siège de ses émotions les plus subtiles, les plus intimes, les plus élevées. La fesse de l’homme est sensible. C’est là sa force et sa faiblesse.

 

Or plus l’Homme (le vrai, avec une cravate) travaille plus pour gagner plus, plus il s’assoit plus : à son bureau, au Ritz, au Martinez et dans les loges VIP du stade de France. Il s’ensuit qu’il est de plus en plus souvent amené à se taper le derrière sur son siège, de joie ou de douleur. Donc sa fesse se fragilise plus vite que la faune de la méditerranée, mais Yann-Arthus-Bertrand, malgré sa hauteur de vues sur son larfeuille, n’a pas trouvé la bonne altitude pour la photographier. C’est donc à nous, fessologues avertis,  créateurs d’emplois et bienfaiteurs anonymes de la fesse, de le clamer haut et fort : le siège social de l’homo sedens court un grave danger !

 

Alors je vous le demande. Supporterons-nous sans rien faire qu’elle succombe au furoncle et à l’escarre ? Non ! Mille fois non ! Nous sauverons la fesse, en droit, en vers et contre tout, ne la lâcherons sous aucun prétexte, la marquerons à la culotte ! Car elle le mérite, après tout ce qu’elle a fait pour nous ! Elle mérite le respect, la tendresse, la caresse. Elle mérite la housse ! Oui Mesdames, oui Messieurs, la housse de siège ! La housse la plus douce, la housse en mousse, la housse maousse, la housse « Classe Affaire », sérigraphiée, customisée, taillée à la mesure de chaque fesse, pour mieux l’envelopper, l’élever, la sublimer, car « A fesse unique, housse unique ! », tel est notre slogan, notre hymne à la fesse, ô fesse, notre patrie, qu’un 100% pur polymère abreuve ton sillon ! »

 

MYRIAM RUBIS 

 



[1] Rayer la mention inutile

 

Commentaires: 2
  • #2

    Vandamme jean Paul (dimanche, 20 septembre 2020 10:12)

    Bravo Myriam pour cette élévation pour la fesse entre autre. J'aime beaucoup ce que vous écrivez. Nous nous régalons de lire les histoires de votre livre.
    Merci beaucoup pour votre partage.
    Jean Paul Vandamme

  • #1

    Marie Laurence Pascal (vendredi, 04 septembre 2020 16:43)

    Je suis tordue de rire en lisant celle-la �bravo Myriam , je vais faire plusieurs cadeaux de Noël avec ton livre��continue! Merci et belle suite
    Je t’embrasse

Fait dit vert

Ce matin, choc des mots et fuite de petit poids à la rubrique « Faits dits verts » du quotidien  Maux roses  :

 

 « ELLE DIT ‘FUCK’ A SES ÉLÈVES, MAJEUR BIEN TENDU, ET S’ENVOLE EN RIANT PAR LA FENÊTRE EN ÉCLATS. »

 

C’était lundi dernier, en ce mois de Marie, il faisait 20° et un vent force 6 au-dessus du collège. Alors au décollage, elle a bien assuré. Comme un seule môme, ses élèves se sont rués vers la fenêtre pour la regarder partir, et pas seulement parce qu’elle était en jupe. D’ailleurs, ses détails se perdaient déjà, elle s’était trop élevée. A une certaine hauteur, pour pas les perdre de vue, elle s’est stabilisée puis a fait quelques figures, bras d’honneur aériens ponctués de sa langue rose en manière d’au-revoir. Ses élèves enthousiastes lui ont rendu son salut pour la première fois et se sont écriés : « Ziva la pute trop forte ! » à capuches rabattues. Il y avait du respect dans ces mots, elle ne s’y est pas trompée et, balayant d’un revers de tendresse ses penchants syntaxiques, elle a hurlé : « Je vous kiffe tous trop mortel ! » en moulinant des bras, des doigts, des pieds. A ces mots, leur voix s’est étranglée, leurs amicales insultes ont perdu leur élan, et certaines finesses lui ont alors échappé. Elle a soupiré, puis médité, regard tourné côté soleil.

 

Ca faisait quinze ans qu’elle les aimait envers et contre tout, surtout contre eux, parfois contre elle, façon tuteur. Quinze ans qu’elle dessinait au tableau noir de leur misère des petites portes, des fenêtres, des puits, pour qu’enfin ils s’échappent de leur prison de béton, d’ennui et d’impuissance. Jour après jour, année après année, elle avait tracé à la craie de sa foi, lettres penchées osant le plein d’amour et le délié d’entraves, le mot liberté entre leurs graffitis, jamais par-dessus. Lorsqu’une main, une tête, s’aventurait par-delà ses ouvertures, elle s’élevait imperceptiblement au-dessus de l’estrade pour abolir toute lourdeur et favoriser l’envol. Et lorsque l’un d’entre eux se penchait au-dessus d’un puits, coup de pied au cul discret, elle le faisait basculer puis refermait le couvercle. Ni vu, ni connu, un de sauvé, elle entrait en lévitation mais les gosses n’y voyaient que du shite.

 

Et puis un jour, un homme gris est entré dans sa classe. Il s’est assis au fond, près du radiateur parce qu’il était frileux et il a pris des notes, lettres droites, trait-cardiogramme plat, et il a regardé, et il a écouté, comme un bon élève, le délicieux écho de ses propres certitudes. A la fin du cours il s’est levé, plus vertical que ses I, et lui a dit : « Madame, vous êtes dépassée », puis avec une éponge, il a tout effacé, les portes, les fenêtres, les puits et les lucarnes.

 

C’est ce jour-là qu’elle s’est envolée.

 

C’est ce jour-là aussi que ses élèves ont disparu.

 

Sur les lieux du crime, on a seulement retrouvé, peints partout sur les murs, des portes, des fenêtres aux contours gondolés, et tous les graffitis, tous les tags du collège s’enfuyant au travers.

 

Myriam

Le camp des cons

On m’a dit
Dans la vie
Faut choisir son camp
Son éthique, son cantique
Alors j’ai choisi
choisi le camp des cons
Des cons comme la lune
dans sa farine d’argent
si joliment roulée
Cons comme la nuit
Percée de petits trous
Pour que le jour y passe
Cons comme le jour
Qui rime avec toujours
Une rime con comme ses pieds,
Comme un vers à cloche-pieds
Comme une cloche
Comme un puits
Un seau qui fuit
Un balai à poussières
Un tamis à lumières
Un réverbère
Très fier
D’être pris pour la lune
Par un passant bourré
cramé halluciné
Qui soulève en passant son rêve sur sa tête.
Et le passant c’est moi
Qui suis du camp des cons
Des uniques Ducon
Tous avec exception
En milliers d'exemplaires
Du camp des
cons dansés

cons cernés
Du camp des conteurs
Cons comme c’est pas permis
Cons comme c'est interdit
Sinon, ce serait pas drôle.

Commentaires: 0

Ramasser sur le chemin

un ressort, un caillou. Les garder dans sa poche.

 

Appuyer son oreille sur les murs, écouter.

 

Faire de rien quelque chose.

 

Une histoire, par exemple.


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